Parler de votre harcèlement en ligne peut être difficile, soit parce que l’expérience est trop récente, ou bien parce que le contenu des messages de votre harceleur vous embarrasse, vous met en colère et/ou suscite des sentiments de honte. Pourtant, il est souvent important, et dans certains cas nécessaire, d’échanger avec les ami(e)s, la famille et d’autres allié(e)s pour obtenir du soutien.
Même si les réseaux sociaux sont aujourd’hui incontournables pour les journalistes, blogueurs(euses), activistes et écrivain(e)s, beaucoup de gens, et peut-être même vos proches, n’utilisent pas les plateformes en ligne avec la même fréquence – voire, ne les utilisent pas du tout. C’est donc peut-être compliqué de leur expliquer en quoi le harcèlement en ligne a un impact sur votre vie.
Voici quelques raisons qui pourraient vous donner envie de parler de votre harcèlement en ligne à vos proches, vos réseaux professionnels et vos groupes de soutien:
Raisons pratiques
- Vous avez besoin d’aide pour surveiller vos comptes sur les réseaux sociaux, documenter votre harcèlement ou contacter les forces de l’ordre.
- Vous souhaitez avertir vos proches qu’ils pourraient être impliqués, ciblés eux-mêmes.
- Un compte en ligne que vous utilisez pour communiquer avec vos proches peut être piraté et vous devez en informer les personnes habituées à vous contacter via ce canal.
Raisons émotionnelles
- Vous avez besoin de soins et de soutien face au cyberharcèlement ou besoin de passer à autre chose.
- Vous n’êtes peut-être pas disposé(e) à socialiser / assister à des événements familiaux et vous voulez que vos proches comprennent pourquoi.
Quatre étapes pour discuter de votre cyberharcèlement avec vos ami(e)s, votre famille et vos connaissances
- Identifiez votre objectif. Qu’espérez-vous obtenir à travers cette discussion? Souhaitez-vous informer vos proches que le harcèlement en ligne est en train de se passer? Voulez-vous avertir un membre de votre communauté qu’il pourrait également être ciblé par votre harceleur? Ou demandez-vous un soutien spécifique – soit technique (par exemple, demander à quelqu’un de surveiller un compte en ligne) ou émotionnel?
- Prenez en compte le niveau de maîtrise de la technologie par vos proches. Tout le monde n’est pas à l’aise avec Internet, les réseaux sociaux, ou bien le cyberharcèlement. Faites le point sur la maîtrise des outils numériques de votre audience. Préparez-vous si nécessaire à discuter de ce que vous vivez en utilisant des termes simples et faciles à comprendre, et essayez d’être ouvert(e) à toute question qui vous sera posée. Sans utiliser un langage trop axé sur la technologie (les mèmes, les tweets, les GIF, les messages privés, etc. méritent d’être expliqués), faites de votre mieux pour décrire où et comment votre cyberharcèlement s’est produit. Il peut être utile de préparer quelques idées ou de décrire l’impact du harcèlement en ligne sur votre travail, votre quotidien et votre état mental.
- Préparez vos idées et des éléments. Revivre votre harcèlement en ligne, conversation après conversation, peut être douloureux. Vous pouvez écrire vos idées pour affiner votre message au cours de ces discussions. Si vous avez pris des captures d’écran ou documenté le cyberharcèlement, il peut être utile d’apporter ces éléments pour vous éviter d’avoir à répéter un langage douloureux ou offensant.
- Insistez sur les raisons pour lesquelles Internet est un outil crucial et pratique pour votre vie de journaliste, de blogueur(euse), d’activiste ou d’écrivain(e). Tout comme un médecin a besoin d’un stéthoscope et un ouvrier d’outils, les écrivain(e)s et les journalistes ont aujourd’hui besoin des réseaux sociaux et d’avoir une présence en ligne pour faire leur travail. Expliquez-le à vos proches. Essayez de définir votre relation avec les plateformes en ligne par rapport à ce qu’elles apportent à votre vie professionnelle ou à votre engagement militant.
Voici quelques exemples:
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- « En tant que journaliste, Twitter m’aide à identifier des sources de différents horizons qui seraient autrement difficiles à contacter. Elles me donnent des informations dont j’ai besoin pour écrire mes articles. Je ne pourrais pas faire mon travail sans Twitter. »
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- « Si j’ai pu obtenir un contrat pour mon livre, c’est grâce à ma page Facebook qui a rendu mon travail visible. Si je la ferme, je laisserai tomber une communauté qui a contribué à rendre ma carrière possible, et dont j’ai encore besoin! »
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- « Mon ami(e) a pu mobiliser des internautes autour de son combat pour les droits des femmes grâce à sa très forte visibilité en ligne. Moi aussi, j’ai besoin d’attirer l’attention sur cette cause, et pour cela je dois être présent(e) sur les réseaux sociaux. »
Comment répondre si vos proches ne comprennent pas ce que vous vivez?
Voici des propositions de réponse.
- « Mais ce n’est même pas la vraie vie, c’est la vie virtuelle.»
- Expliquez que, pour vous, il y a moins de distinction entre la vie « réelle » et « virtuelle ». Aujourd’hui, la plupart des écrivain(e)s et journalistes dépendent d’Internet pour publier ou faire connaître leur travail. Expliquer qu’une grande partie de votre gagne-pain dépend maintenant de votre présence en ligne. Voici d’autres réponses possibles:
- « La haine en ligne peut avoir de graves conséquences dans le monde physique – il existe des études [en anglais] sur les liens entre les réseaux sociaux et l’augmentation des taux de suicide. Par ailleurs, les campagnes de haine en ligne peuvent attiser la violence ethnique [en anglais], ce qui signifie qu’il s’agit d’un problème réel. »
- « Les communautés marginalisées dépendent d’Internet pour faire entendre leur voix – pour les membres de ces communautés, Internet, c’est la ‘vraie’ vie. »
- « Pourquoi ne te déconnectes-tu pas?» Les réponses à cette question peuvent varier. Voici quelques exemples:
- « Mon rédacteur en chef me dit que si je publie régulièrement sur les réseaux sociaux, je contribuerai à développer l’audience de notre média, qui en a bien besoin. Si on met la clé sous la porte, je n’aurai plus de travail!»
- « En tant que journaliste, je reçois de nombreux conseils pour des articles en publiant mes sujets de recherche sur les réseaux sociaux. Vous vous souvenez de cet article sur l’immigration que j’ai écrit le mois dernier? Sans Twitter, je n’aurais jamais trouvé les bons contacts pour l’écrire. »
- « Statistiquement, la probabilité que quelqu’un vienne réellement chez vous et vous fasse du mal est vraiment très faible. »
- Expliquez qu’il ne s’agit pas seulement de la probabilité que la menace se réalise, mais aussi de ce que vous ressentez face à cette menace.
- Expliquez que vous craignez pour votre sécurité si c’est le cas, et que ces attaques en ligne provoquent en vous de l’anxiété ou impactent votre vie personnelle et professionnelle. Par ailleurs, il n’est pas rare que des menaces en ligne se soldent par des agressions physiques. Selon l’UNESCO, 20% des femmes journalistes agressées physiquement estiment que ces agressions étaient liées à des menaces en ligne.
- « Pourquoi n’appelez-vous pas la police? »
- Expliquez que la manière dont la loi s’applique au harcèlement en ligne continue d’évoluer et qu’il existe de nombreux cas documentés dans lesquels la police n’est pas toujours utile aux victimes de cyberharcèlement.
- Si vous venez d’une communauté ou d’un groupe – tel que les syndicalistes ou les activistes – qui a des relations tendues avec les forces de l’ordre, cela peut justifier de ne pas impliquer la police.
Si vous lisez les déclarations et les réponses ci-dessus et que vous ne vous sentez pas concerné(e), cela signifie peut-être que votre entourage est familier des nouvelles technologies et de leur importance pour le travail des journalistes, des blogueurs (euses), des activistes et des écrivain(e)s. Malheureusement, tout le monde n’a pas cette chance.